Les jeunes sont le plus grand atout des nations. En 2015, l’Afrique comptait 226 millions de personnes âgées de 15 à 24 ans et leur nombre devrait plus que doubler d’ici 2055. Toutefois, le niveau élevé de chômage ou de sous-emploi rencontré par les jeunes Africains est une bombe à retardement pour la région et au-delà. Le chômage touche fortement les zones rurales et les jeunes s’intéressent généralement peu à l’agriculture. L’agriculture africaine doit être transformée pour attirer ou retenir les jeunes dans le secteur et générer des opportunités de moyens de subsistance.
Les femmes sont tout aussi essentielles à l’agriculture. Selon la Banque mondiale, environ 40 pour cent de la main-d’œuvre du secteur est représentée par des femmes. Certains aspects de la chaîne de valeur des semences, tels que la production et la distribution de semences horticoles par exemple, sont principalement gérés par les femmes, ce qui en fait des acteurs essentiels du développement du secteur semencier. Malheureusement, elles ne bénéficient pas du même accès aux ressources que les hommes, et sont donc moins à même d’être performantes et peuvent saisir moins d’opportunités.
Au cours des dernières années, le secteur des semences a été appelé à adopter des modèles commerciaux plus axés sur le marché, ce qui, selon l’Union africaine et plusieurs autres parties prenantes, peut contribuer à promouvoir l’emploi des jeunes et des femmes, ainsi que la transformation et la croissance agricoles en Afrique.
Encourager l’esprit d’entreprise chez les petits producteurs de semences
AfricaSeeds fait écho à ces préoccupations. L’institution panafricaine a commandé une étude exploratoire en vue d’établir des modèles commerciaux durables pour la production et la distribution de semences de diverses cultures en Côte d’Ivoire, ainsi que pour examiner le niveau de compétences et d’éducation des jeunes du pays. Pour valider les résultats de cette étude, AfricaSeeds a invité les parties prenantes du secteur des semences à un atelier organisé à Abidjan le 21 décembre 2018 sur «La validation des modèles et protocoles de promotion et de développement de l’entreprenariat dans le secteur semencier pour les jeunes et les femmes en Afrique, en utilisant Côte d’Ivoire comme pays pilote ». L’atelier, conforme à la stratégie d’AfricaSeeds, visait à consolider les petites et moyennes entreprises semencières naissantes qui, plus que les modèles d’entreprise à grande échelle, semblent mieux convenir à de nombreux pays africains.
Plus de vingt participants d’organisations publiques et d’agriculteurs de Côte d’Ivoire ont contribué à l’échange d’expériences et aux discussions sur la manière de développer des entreprises semencières privées durables, innovantes et adaptables, en mettant l’accent sur l’employabilité des jeunes du secteur.
Selon le Dr Kouame Miezan, Directeur exécutif d’AfricaSeeds, l’expansion des petites entreprises semencières est essentielle au renforcement du secteur semencier en Afrique et permettra de lever les contraintes qui empêchent les agriculteurs d’avoir accès à des semences de qualité.
« Nous devons œuvrer pour soutenir le développement de petites entreprises semencières adaptées à la diversité des zones rurales africaines, car cela aura un effet d’entraînement sur l’efficacité et la productivité de l’agriculture », a déclaré Dr Miezan. « Le secteur semencier africain doit être davantage axé sur le marché, car cela constitue une puissante incitation au développement de systèmes semenciers efficaces et durables en Afrique », a-t-il poursuivi.
Pendant trop longtemps, l’agriculture alimentaire en Afrique a été considérée comme un moyen de gagner sa vie sans perspective autre que la subsistance. Au contraire, AfricaSeeds – avec d’autres parties prenantes – soutient l’idée selon laquelle le secteur semencier peut générer un changement social et une croissance tout à fait significatifs.
Regard sur la durabilité
AfricaSeeds envisage un développement du secteur semencier qui soit avant tout durable. Au cours de l’atelier, trois différents modèles commerciaux ont été présentés, considérés comme durables dans le contexte ivoirien. Le premier modèle est centré sur la production de matériel végétatif dans une chaîne de valeur de semences très organisée où les besoins et les marchés sont bien connus ; la chaîne de valeur du cacao, par exemple, est bien structurée en Côte d’Ivoire. Le second modèle repose sur le binôme production de semences / distribution de semences aux agriculteurs : la chaîne de valeur du riz en est un bon exemple. Le troisième se concentre sur la distribution des semences, avec des semences venant de l’extérieur – du Burkina Faso par exemple – couplée à un mécanisme favorisant l’utilisation des semences par les agriculteurs par le biais de la vulgarisation agricole.
Après des échanges approfondis sur les modèles, les participants ont également exprimé leur vif intérêt pour la définition de programmes de formation pouvant répondre aux besoins des jeunes souhaitant devenir des entrepreneurs agricoles. Quatre parcours de formation ont été présentés et discutés.
Les participants ont insisté sur le fait que la mise en œuvre des modèles et des parcours de formation devait comporter plusieurs facettes et tenir compte de l’évolution des circonstances. Ils devraient également utiliser des approches novatrices, quand cela s’avèrerait opportun. Les mesures d’accompagnement devraient inclure l’accès à l’information, aux intrants, aux finances, aux marchés et aux autres services d’appui susceptibles d’améliorer la productivité et les opportunités.
Soutenir une approche reproductible
L’atelier a été axé sur l’élaboration de modèles commerciaux durables à mettre en œuvre en Côte d’Ivoire. Les modèles présentés ont pris en compte la pluralité des systèmes semenciers, ainsi que la diversité des cultures et des variétés dans le pays.
Cependant, cet exercice est mené avec un objectif plus ambitieux : définir une approche standard qui pourrait être adoptée dans d’autres pays d’Afrique et qui pourrait aider à définir des modèles spécifiques à chaque pays. Dans chaque cas, les modèles existants dans le pays doivent être évalués et adaptés en conséquence pour améliorer leur efficacité et leur rentabilité. La plupart du temps, cela impliquera une normalisation du fonctionnement de la chaîne de valeur, en veillant à renforcer les maillons faibles. Dans tous les cas, l’approche doit être hautement évolutive et donc générer un impact significatif tout au long de la chaîne de valeur des semences.
Les participants et les organisateurs ont convenu que, pour que l’exercice réussisse, la prochaine étape devra être la mise en œuvre d’une phase pilote au cours de laquelle les modèles validés sont appliqués à des chaînes de valeur sélectionnées, afin de tirer des enseignements et d’affiner l’approche. Fait important, il a été souligné que les institutions financières devraient être associées au processus afin de faciliter l’accès au crédit des jeunes entrepreneurs, permettant ainsi aux modèles d’exprimer tout leur potentiel.